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« Une once d’ellébore ». Inventaire de la boutique de Pierre Baurelhe, apothicaire à Laroquebrou (1687).

Pierre Baurelhe avait fait son testament chez Jean Sarrauste, notaire à Laroquebrou, le 16 août 1687. Il est mort quelques mois après, et son inventaire après décès est dressé par le même notaire le 24 novembre.
À côté des informations habituelles (inventaire des titres, des biens meubles et immeubles), ce document comprend en annexe un inventaire très détaillé de la boutique de l’apothicaire, dressé par Barates, l’un de ses confrères. La liste des remèdes et des drogues (avec leur estimation chiffrée) donne une photographie saisissante de la boutique le 8 septembre 1687. Les plantes médicinales se taillent la part du lion : ellébore, salsepareille, euphorbe, aristoloche, huile de laurier, cynorrhodon, réglisse, pivoine coralline, myrobolan citrin, encens, cumin, aloès, rhubarbe, galbanum. Mais on y trouve aussi des minéraux : alun, antimoine, mercure (« vif argent »), ambre gris, or, argent, tartre vitriolé, sel polycreste – sans oublier l’inévitable « poudre de vipère ». Outre les produits à l’état pur, l’inventaire mentionne des préparations : thériaque, catholicon, sirop de kermès, sang-dragon, térébenthine, miel rosat…
La plupart de ces produits ne se trouvent pas dans la nature en Auvergne ; certains viennent de fort loin. La pharmacopée du maître apothicaire est donc savante et importée ; elle se distingue de la médecine traditionnelle et familiale. Le notaire s’est transporté lui aussi dans la boutique ; il y a trouvé et transcrit « son livre journal couvert de parchemin (…) dans lequel sont comprins les debiteurs ». Cette liste des clients habituels (puisqu’ayant un compte) de l’apothicaire montre la « zone de chalandise » d’un pharmacien de Laroquebrou à la fin du XVIIe siècle : à côté des Roquais (le curé, des chirurgiens), on trouve des clients à Glénat, Saint-Santin (vicaires, hôteliers, et très nombreux habitants), Pers (Esquirou, notaire), Montvert, Goulles (en Limousin), Rouffiac, Arnac et Siran. Enfin le notaire termine son acte par un inventaire complémentaire de celui des « drogues » : celui du matériel. Un grand et un petit mortier, avec leur pilon de fer, un « lamby » (alambic) de cuivre, une « chiringue » (seringue) avec sa canule d’argent et son étui, quatre spatules et deux poids.
La boutique de monsieur Baurelhe devait ressembler à celle de monsieur Fleurant, l’apothicaire du Malade imaginaire, (1673). L’hypocondriaque Argan (Acte I, scène 1), détaille plaintivement les comptes (forcément salés) de son apothicaire : « plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l'ordonnance, pour balayer, laver, et nettoyer le bas-ventre de Monsieur, trente sols. »

 Archives départementales du Cantal, 3 E 224/150, acte n° 700.

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