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 "Epidémies en manuscrit"

Avec les progrès de la médecine, nos sociétés modernes auraient pu se penser à l’abri des grandes maladies infectieuses, considérées comme des fléaux d’un autre temps. L’épidémie de Covid-19 a démontré le contraire, remettant en cause ce sentiment d’immunité. Elle a ranimé dans la mémoire collective le souvenir des grandes épidémies de peste et autres fièvres, pour certaines encore inexpliquées. L’apparition des épidémies est inhérente au développement de l’humanité. Longtemps, elles n’ont existé que par leurs symptômes, restant subies sans être comprises. Les populations sont frappées par des maladies diverses, le plus fréquemment d’origine animale : tuberculose, lèpre, peste, typhus ......[Lire la suite]

"Epidémies en manuscrit"

 2025 02 01

Avec les progrès de la médecine, nos sociétés modernes auraient pu se penser à l’abri des grandes maladies infectieuses, considérées comme des fléaux d’un autre temps. L’épidémie de Covid-19 a démontré le contraire, remettant en cause ce sentiment d’immunité. Elle a ranimé dans la mémoire collective le souvenir des grandes épidémies de peste et autres fièvres, pour certaines encore inexpliquées. L’apparition des épidémies est inhérente au développement de l’humanité. Longtemps, elles n’ont existé que par leurs symptômes, restant subies sans être comprises. Les populations sont frappées par des maladies diverses, le plus fréquemment d’origine animale : tuberculose, lèpre, peste, typhus… Le développement des échanges favorise leur propagation, faisant de la mise en quarantaine le seul mode de prévention rationnel face à une mortalité effroyable. Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que Robert Koch (1843-1910) puis Louis Pasteur (1822-1895) parviennent à démontrer l’existence d’agents infectieux.
Le document présenté ce mois-ci précède de quelques années cette révolution médicale. Il s’agit d’une « Bibliographie des maladies épidémiques, contagieuses et épizootiques » conservées par les Archives du Cantal. Elle provient de l’étude de Me Gizolme, notaire à Vic-sur-Cère dans la première moitié du XXe siècle. Nous ne disposons d’aucune autre information à son sujet. Elle est anonyme et n’est pas précisément datée. On peut toutefois légitimement penser qu’elle a été écrite au début du XIXe siècle. En effet, les textes ou évènements les plus récents auxquels l’auteur fait référence datent de l’année 1815. La tranche du registre porte la mention « Epidémies en manuscrit T° I », ce qui laisse à penser qu’il devait y avoir au moins deux tomes. La lecture du document confirme cette hypothèse. On y trouve une « Table générale de la classification des maladies » qui fait état d’une épidémie d’ophtalmie à Aurillac en 1746, décrite par un certain « Nobleville » et dont on peut lire la transcription sous la cote 828. Malheureusement, ce tome se termine par la cote 599 avec l’épidémie de fièvre scarlatine qui a touché Copenhague en 1787.
L’auteur de cette bibliographie, dont on ignore s’il était lui-même médecin, ou peut-être étudiant en médecine, a réalisé un remarquable travail de recherche. Ce document se présente, dans un premier temps, sous la forme d’une bibliographie classique avec une liste d’auteurs et d’ouvrages classés par maladies infectieuses. Elle ne compte pas moins de 73 pages relatives à la « peste », 7 pages et près de 150 ouvrages à elle seule, mais aussi aux « épidémies catarrhales », aux « fièvres malignes », aux « exanthèmes », « angynes » … A la suite de cette première bibliographie, on trouve plusieurs listes intitulées « Ouvrages à consulter », « Livres lus depuis mon retour », « livres consultés ». Puis on trouve une nouvelle bibliographie toujours classée par maladies. Au total, ce sont plusieurs milliers d’ouvrages de médecine qui sont ainsi référencés. Mais l’auteur ne s’est pas contenté de lister l’ensemble de ces ouvrages, il s’est aussi mis en demeure de transcrire les passages relatifs aux épidémies, compilant ainsi une sorte d’encyclopédie des maladies infectieuses. Par exemple, pour les « Fièvres bilieuses », il retranscrit un passage de l’ouvrage de De Herre sur l’épidémie de Spa (Belgique) en 1629, de Borelly sur celle de Pise (Italie) en 1648 ou encore de de Mattei sur celle de Genève (Suisse) en 1813. Chaque référence porte une cote qui permet ensuite de retrouver la transcription dans le registre. Il y a ainsi 1133 extraits relatant diverses épidémies, principalement européennes, entre le XIVe siècle et le début du XIXe siècle.

2025 02 02
On trouve ainsi sous la cote 118, la relation d’une épidémie de dysenterie à Pleaux en 1765 par M. Dapeyron de Cheyssiol. « Cette épidémie due à des aliments corrompus commença dans le cœur de l’été […] sous beaucoup de formes, elle imitait la synoque, elle se transformait en fièvre continue putride, se déguisait en fièvre maligne et paraissait tantôt sous la forme de dysenterie blanche, tantôt sous celle du choléra morbus enlevant le malade du 3 au 7e jour et s’étendant parfois du 14 au 50e. Il est à remarquer que lorsque la maladie attaquait la tête et la poitrine, les intestins étaient moins affectés et de là le pronostic moins fâcheux. Ses symptômes les plus familiers étaient la face hippocratique, le grincement des dents, la langue aride noire, le hoquet, des vomissements énormes, de violentes douleurs à l’estomac, au bas ventre, des tranchées, des épreintes et le tenesme, déjections fréquentes muqueuses et sanguinolentes, syncopes fréquentes, le pouls petit […]. Il survient des exanthèmes, des pustules milliaires, des érysipèles. Souvent les gens les plus pauvres en furent les plus attaqués ». Le tableau clinique des différents symptômes, à la fois précis et détaillé, fait froid dans le dos. M. Dapeyron de Cheyssiol, dont on sait qu’il était médecin à Pleaux, ne peut toutefois se prononcer avec exactitude sur la maladie en cause. Il évoque la dysenterie mais aussi le choléra qui ont des symptômes assez proches. Ce sont deux maladies bactériennes qui se soignent désormais par des antibiotiques. En 1765, à défaut de pouvoir traiter la cause réelle de la maladie, les médecins essaient d’en réduire les effets même si les traitements proposés ne sont pas toujours des plus rassurants. « Les saignées furent bannies, les médecins du pays, dit l’auteur, n’eurent garde d’égorger leurs malades par des phlébotomies multipliées. Les vomitifs d’abord, ensuite les minératifs, les cardiaques et les calmants, le lectuaire de Cartame, le camphre et le quinquina étaient les seuls remèdes, les acides minéraux étaient mortels, les diaphorétiques inutiles, le Kermès à petite dose souvent réitérée, les sels, le scordium, la scorsonère et la salsepareille en boisson, les lavements, les ventouses sèches à l’ épigastre, aux régions ombilicales et hypogastriques furent d’un assez grand secours ainsi que les synapismes et les épispastiques. Cette épidémie dura tout l’été, l’automne et on en vit même les ravages dans le fort de l’hiver de 1766 ».
M. Dapeyron ne fait pas état du nombre de victimes. Toutefois, le registre paroissial de Pleaux semble garder la trace de cette épidémie . Alors qu’on compte en moyenne quatre à cinq actes de sépulture par mois sur l’année 1764 et les premiers mois de 1765, on ne dénombre pas moins de dix-neuf décès sur le seul mois d’octobre 1765, quinze entre le 11 et le 21 octobre, dont presque exclusivement de jeunes enfants.

Cotes ADC : 3 E 228/339

Texte rédigé par Nicolas Laparra

[1] ADC : 27 J 71

[1] ADC : 2 E 153/2

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