Vrai ou faux assignat ?
Signes caractéristiques de falsification.
L’assignat est une monnaie fiduciaire mise en place sous la Révolution française. C’est un système de papier-monnaie dans lequel la valeur nominale (inscrite sur les assignats) est supérieure à la valeur intrinsèque (la valeur du papier). Cette valeur est garantie par l’émetteur et repose sur la confiance (fiducia en latin) que lui accordent les utilisateurs. Pourtant à l’origine, l’assignat n’est pas une monnaie mais un titre d’emprunt émis par le Trésor en 1789, et dont la valeur est gagée sur les biens nationaux par assignation, d’où le terme d’assignat.
A la veille de la Révolution, la monarchie française est très endettée. La moitié du budget sert à résorber la dette qui ne cesse de croître. Les révolutionnaires héritent d’une situation financière désastreuse et il faut, de toute urgence, trouver le moyen d’assainir les finances publiques. Pour y remédier, le député Talleyrand propose de confisquer les biens du clergé. Le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale constituante décide que tous les biens du clergé seront « mis à disposition de la Nation ». Ils deviennent des biens nationaux, destinés à être mis aux enchères pour renflouer les caisses de l’État. Cependant, cette vente nécessite du temps que la situation des finances publiques ne permet pas. C’est ainsi qu’il est décidé de créer des billets dont la valeur est assignée (autrement dit « gagée ») sur les biens du clergé.
En théorie, le fonctionnement de l’assignat est simple. En attendant leurs ventes, les biens nationaux sont divisés en assignats comme pour une société par actions. Tout citoyen qui désire acheter des biens nationaux doit au préalable acquérir des assignats. Une fois la vente d’un bien réalisée, le produit de la vente est inscrit au registre civil et, de retour dans les mains de l’État contre remboursement, les assignats doivent être détruits. Mais très vite, dès le début de l’année 1790, le système s’emballe. Pour qu’il puisse fonctionner, il ne faut surtout pas qu’il y ait plus d’assignats en circulation que la valeur réelle des biens nationaux. Or, pour faire face au manque d’espèces, le 17 avril 1790, l’assignat est transformé en un papier-monnaie. L’État, toujours à court de liquidités, l’utilise pour toutes ses dépenses courantes. Il ne détruit pas les assignats qu’il récupère ; pire, il imprime plus d’assignats que la valeur réelle des biens nationaux. En conséquence, l’assignat se déprécie et perd une grande partie de sa valeur, ce qui engendre une forte inflation et aggrave la crise économique.
De plus, les assignats sont facilement falsifiables et les faussaires très nombreux. Si beaucoup de faux sont assez grossiers et facilement décelables, il en va autrement des faux imprimés à l’étranger pour le compte des royalistes. Une grande quantité de faux assignats, fabriqués en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Suisse et en Grande-Bretagne, avec la complicité du gouvernement britannique, alors l’un des principaux ennemis de la France, circulent dans le pays. La lutte contre la contrefaçon devient une priorité pour la République. En 1793, la Direction générale de la Fabrication des Assignats publie une « collection de procès-verbaux des signes caractéristiques auxquels on peut reconnoître la falsification d’Assignats ». En préambule, le directeur général Delamarche, rappelle : « j’ai dû m’occuper de tous les moyens qui étoient en mon pouvoir pour vous prémunir contre la fausse monnoie, que les ennemis de la République s’efforçoient d’introduire dans la circulation. Sitôt qu’un Assignat faux d’une nature nouvelle s’est présenté à la vérification, j’ai fait procéder à la rédaction du procès-verbal des signes caractéristiques de falsification auxquels on pût le reconnoître ». Il souhaite une diffusion la plus large possible de cette collection de procès-verbaux qui doit donner « les moyens de distinguer avec facilité les Assignats contrefaits ».
Les Archives départementales du Cantal conservent quelques exemplaires d’assignats dont un de 5 livres créé le 1er novembre 1791. Mais s’agit-il bien d’un vrai ? L’étude des signes caractéristiques des faux assignats de 5 livres doit nous permettre d’y répondre. Le procès-verbal a été établi par comparaison entre un faux et un véritable assignat créé le 10 juin 1790, assignat en tous points identique à celui présenté ici, si ce n’est sa date d’émission. Le directeur Delamarche, assisté des citoyens Gatteaux, graveur, Pierre Didot, imprimeur, et Firmin Didot, fondeur en caractères d’imprimerie, font état de près d’une trentaine de signes de falsification. Les premières imperfections qu’ils signalent sont « que dans l’espace supérieur entre les vignettes, contenant la désignation de la création, dans le mot ASSIGNAT qui s’y rencontre, les deux SS du mot ASSIGNAT sont extrêmement maigres » ; même chose pour la lettre I qui « est très maigre et manque des empattements nécessaires à sa perfection ». La plupart de ces remarques tiennent à la forme et au positionnement des lettres, chiffres et symboles présents sur le billet. L’exemplaire conservé par les Archives ne porte aucun des signes caractéristiques, assez grossiers, permettant de reconnaître un faux. Le seul doute possible réside dans « le timbre sec représentant l’effigie du roi » qui est dit « mal exécuté » dans le cas des faux assignats et qui n’est pas non plus très visible sur cet exemplaire. Mais peut-être peut-on y voir un effet de l’usure du temps ? Enfin, il a bien été imprimé sur du papier à filigranes nécessaire à la confection des vrais assignats, ceux-ci étant bien visibles à la lumière par transparence. A l’inverse, le faux « est imprimé sur papier commun ». C’est la mesure de sécurité la plus difficile à contourner puisqu’il faut disposer du bon papier. En conclusion, il semble donc bien s’agir d’un véritable assignat.
Cote ADC : L186 - 6 J 27
Document rédigé par Nicolas LAPARRA