Reliques authentiques, authentique de reliques (1839)
Le culte des saints revêt un aspect important dans la religion catholique. Dès l’époque des premiers martyrs, les restes des saints ont été soigneusement conservés, vénérés mais aussi dispersés, afin que le plus grand nombre bénéficie de leurs bienfaits. Les récits de guérisons miraculeuses ont fortement participé au développement du commerce des reliques, pour le plus grand profit des faussaires et autres charlatans. La question de l’authenticité des reliques est donc cruciale. Déjà au début du Moyen Age, on assortit les ossements d’une bandelette de parchemin portant le nom du saint auquel ils ont appartenu. Aisément falsifiable, cette bandelette va être remplacée par une lettre authentique attestant de l’origine de la relique et signée d’une personne d’autorité, en général l’évêque, puis par un authentique, c’est-à-dire un certificat d’authenticité, délivré par la papauté, à l’instar de ce document daté du 29 janvier 1839.
La papauté est ici représentée par le cardinal Joseph della Porta-Rodiani, prêtre du titre de l’église Sainte Suzanne à Rome, juge ordinaire de la Curie romaine et de son district, et vicaire général du pape.
Par ce certificat, il reconnaît comme authentiques les reliques qui lui ont été présentées, à savoir des fragments sacrés du voile de la Vierge. Afin de garantir ces reliques de toute contrefaçon, celles-ci ont été placées dans un reliquaire décrit de façon minutieuse : recouvert d’argent doré, il est de forme ovale et surmonté d’un unique cristal. Ceint d’une cordelette de soie rouge et scellé du sceau du cardinal, ce reliquaire ne peut que contenir l’objet sacré auquel il a été destiné.
Les critères ayant permis d’établir l’authenticité des reliques ne sont pas mentionnés. Le document signale uniquement que les morceaux de tissus ont été recueillis sur les lieux saints, mais la date de la découverte est inconnue. Il est possible que cet authentique vienne confirmer, sur la base de témoignages oraux, ce que tous considèrent comme des reliques « de tradition immémoriale ». L’origine a de fait moins d’importance que la parole du représentant du pape, qui est l’autorité suprême. La présence des armes de ce dernier donne de l’importance au document. Surmontées de la tiare papale et des clés de saint Pierre, le blason est celui de Grégoire XVI : parti, en 1 d'azur au calice d'or surmonté d'une comète ondoyante de même et accompagnée de deux colombes affrontée d'argent, et en 2 coupé d'azur au chapeau d'ecclésiastique de sable et d'argent à la fasce de gueules chargée de trois étoiles d'or. Quant à l’authenticité même du document, est elle garantie par le double sceau du cardinal della Porta-Rodiani, le premier sous forme de timbre sec, simple relief sur le papier, et le second plaqué en cire rouge.
Ce genre de certificat, se présentant sous la forme d’un diplôme, devait être fréquemment demandé à la papauté. Il s’agit en effet d’un formulaire qu’il suffit de compléter en décrivant les reliques, le reliquaire ainsi que la couleur de la cordelette de soie qui l’entoure, et en indiquant la date. Ce document autorise le propriétaire des reliques (qui n’est malheureusement pas nommé) à les garder pour lui, à en faire don, à les transporter hors de Rome ou à les exposer publiquement à la vénération des fidèles dans quelque église, oratoire ou chapelle que ce soit. Il a ensuite été vu et confirmé par l’évêque de Saint-Flour, Frédéric de Marguerye, qui a signé à son tour l’authentique.
Les lettres d’authenticité et autres certificats accompagnent les reliques pour lesquelles ils ont été créés, puisque sans eux leur authenticité peut être remise en cause, la dévotion suspendue. Il est donc fréquent que les reliquaires contiennent un petit tiroir où placer l’authentique, afin qu’il ne quitte pas les reliques. Que s’est-il passé pour notre authentique ? Séparé de ses reliques dans des circonstances mystérieuses, il a perdu son objet… mais pas son authenticité !
ADC 1 J 551