Un marchand de dentelles des Ternes en pèlerinage à Compostelle (1670)
Le 12 mars 1670, dans la maison de Denis Gazard, notaire à Murat, il y a beaucoup de monde pour entourer Jean Baccon. Fils de feu Mathieu Baccon, ce « traficquant de dantelles », qui habite en la paroisse de « Las Ternes », se dispose en effet à « aller faire voiage a Saint Jacques le Grand en Galice ».
Avant de partir, il fait son testament, en présence de Jacques Troupenat, marchand et hôte (c'est-à-dire hôtelier), Gaspard Lagriffoul, « tailleur d'habitz » de Murat, Pierre Croussolles habitant de Saint-Hippolyte, Jean Reynaud, les deux frères Mèges de Riom et François Vidalenc d'Albepierre. Tous ils entourent leur ami Jean Baccon, qui, s'apprêtant à faire le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, met en ordre ses affaires. Il envisage le cas où il décèderait loin de sa patrie, contrairement à ces pèlerins enterrés à Moissac de Neussargues ou à Joursac, dont les tombes (datées de la fin du XVIIe siècle) portent, autour de la croix, le bâton, la besace, la coquille, et la miche (à Moissac seulement).
Jean Baccon veut être enterré aux Ternes ou, s'il meurt en voyage, au plus proche cimetière de son lieu de décès. Il donne 5 sols à son frère Louis et à Marguerite Mousset sa sœur ; mais il institue ses héritières universelles Jeanne et autre Jeanne, ses deux autres sœurs, chambrières à Murat, à charge pour elles de payer ses dettes, « sy aulcunes il en a ».
On ne sait en quoi consistent les biens de Jean Baccon ; mais la somme de 10 sols, vraiment maigre, et le fait qu'il ne sache pas signer laissent, penser qu'il s'agit d'un marchand ambulant de dentelles peu fortuné et célibataire.
L'Ancien Régime se méfia des pèlerins lorsqu'il s'agissait de vagabonds prenant le prétexte du pèlerinage pour courir les routes à l'aventure en échappant aux devoirs de leur état. Mais cette défiance des pouvoirs publics n'arrêta pas le flux vers la Galice porté par la dévotion envers « Saint Jacques le Grand » (que Baccon invoque dans son testament juste après le Christ et Notre-Dame), comme l'a bien montré Humbert Jacomet dans ses travaux sur le pèlerinage de Compostelle.
ADC, 3E 270/505