Le prospectus du docteur Marcel Petiot (1933)
Né en 1897 à Auxerre, Marcel Petiot combat naturellement durant la première guerre mondiale. Blessé, il est aussi atteint de troubles psychiatriques. Les facilités accordées aux anciens combattants lui permettent de faire des études de médecines et d’ouvrir un cabinet médical à Villeneuve-sur-Yonne, dont il devient maire en 1926. Malgré sa kleptomanie et des troubles psychiques patents, il demeure conseiller général de l’Yonne jusqu’en 1934. C’est une qualité dont il se prévaut dans ce prospectus de 1933, où il annonce son installation dans un cabinet médical du 66, rue Caumartin.
Même s’il emprunte à la grandiloquence de la publicité médicale des années 1930, ce document publicitaire porte l’empreinte de la mégalomanie du personnage : « toutes facilités d’accès », « matériel des plus modernes et des plus perfectionnés », « suppression complète de la douleur dans les accouchements (…) et les affections même les plus pénibles », « guérison de toute tumeur », « régler le fonctionnement des glandes endocrines », « méthodes personnelles [permettant] d’obtenir le maximum de fixation rapide des substances médicamenteuses (…) ce qui permet de décupler les effets ». Le jeune praticien « assume les fonctions de Médecin-chef de l’Office Médical permanent ».
Et enfin, pour atténuer le caractère tapageur de son style et rassurer la clientèle : « Le Docteur Marcel Petiot s’excuse d’employer ce procédé vulgaire de publicité afin d’informer le public de son installation au centre de Paris pour toutes consultations et soins à domicile ».
En 1941, il s’installe rue Le Sueur. C’est là qu’il va assassiner, dépecer et incinérer au moins 27 malheureuses victimes poursuivies par la Gestapo, persuadées d’avoir trouvé chez le bon docteur une filière leur permettant de fuir en Argentine contre espèces sonnantes et trébuchantes. Engagé dans la Résistance, il va échapper à la police jusqu’en octobre 1944. Confondu par les preuves matérielles, il est guillotiné en 1946 ; son histoire a servi de trame à un film de Christian de Chalonge, en 1990. C’est Michel Serrault qui interprétait le Docteur Petiot.
Le rapprochement du modus operandi du serial killer avec les termes de l’annonce publicitaire de 1933 suscite tour-à-tour le frisson et le sourire : « bistouri électrique », soin des « ganglions externes et internes, loupes, lipomes, polypes, végétations, verrues, taches rouges, goitres, déformations, tatouages, cicatrices (…), fibromes, tumeurs malignes ou cancers mêmes profonds », « résultats probants dans les maladies les plus rebelles et dans les cas les plus désespérés », « méthodes personnelles », « prix pratiqués [convenant] aux situations de fortune même les plus modestes », garantie contre « toutes indiscrétion, tout trouble et toute responsabilité ».
Ce document, conservé dans le fonds d’une famille de médecins aurillacois, montre l’étendue de la publicité que fit le docteur Petiot au moment de son installation à Paris.
ADC, 1 J 847