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Les cabaretiers hors-la loi d'Arpajon (1669)

Si la France n’a pas connu de période de prohibition de l’alcool, comme ce fut le cas aux Etats-Unis de 1919 à 1933, il n’en reste pas moins que la vente de vin a été soumise à des réglementations plus ou moins bien appliquées. C’est déjà le cas sous l’Ancien Régime, y compris en Haute-Auvergne.
Les premières interdictions visant les cabaretiers datent de l’époque de François Ier. En 1543, le Parlement de Paris s’empare de la question du respect des temps de piété en proclamant la fermeture des cabarets pendant le service divin les jours de fête. Cette interdiction vise à limiter la commission de péchés aux moments les plus sacrés de l’année. Cette intervention du pouvoir civil en matière religieuse est bien sûr soutenue par l’Eglise. Elle est suivie de peu par une autre ordonnance visant plus spécifiquement le maintien de l’ordre : en 1546, des heures de fermeture sont imposées aux cabarets. Celles-ci varient selon les endroits et les époques, mais suivent globalement la tombée de la nuit. Ces règles seront réitérées à plusieurs reprises au cours du XVIIe siècle (preuve qu’elles ont du mal à être appliquées) et se diffuseront dans le royaume au gré d’ordonnances prises par les juridictions locales, à l’instar de celles du marquisat de Conros.

 


Comme ailleurs, la réglementation sur la vente de vin peine à se mettre en place à Arpajon. Les hôtes et cabaretiers n’en ont cure, malgré les « inhibitions et deffanses […] souventesfoys faictes [par le juge (…)] de donner à boire et à menger le jour de dimanche et autre jour de feste commandee par l’Esglize pendant la celebration du service divin à toutes sortes de personnes indiferament, mesmes aux personnes domicilliees de ladite terre, ny encores pendant la nuict sans urgente necessité ». Cette situation offusque le procureur d’office Antoine Contrastin au point que, le 3 décembre 1669, il saisit Pierre de Cébié, juge ordinaire du marquisat, accuse les cabaretiers de vendre du vin sans payer de taxe et présente deux témoins.
Le premier, un laboureur de 38 ans, dénonce Jean Duserre, maréchal-ferrant et cabaretier d’Arpajon : alors que le témoin se rendait au cabaret « pour certain[e]s affaires » pendant la grand messe le dimanche précédent, il constata que deux hommes, dont l’un était sergent, buvaient. On remarquera que s’il est en théorie interdit de manger et boire au cabaret pour les personnes habitant la paroisse, il semble tout à fait admis d’en faire un lieu de rendez-vous.
Le second témoin, cordonnier de 40 ans, était au même moment dans la maison de la veuve Amelhau, qui tient cabaret à Arpajon elle aussi. Il n’est pas dit ce qu’il y faisait, mais il rencontra « le nommé le filz de la Belète » qui buvait en compagnie de deux compères.
Malgré ces dépositions et les réquisitions du procureur, les cabaretiers ne sont pas directement condamnés. Dans un acte séparé, le juge réitère encore une fois l’interdiction de servir à boire et à manger pendant les principaux temps religieux et la nuit, sous peine d’une amende de 50 livres (au lieu du tarif habituel de 10 livres). La question des taxes est également prise au sérieux : tout débit de vin devra cesser tant que « l’eschantinouliage [échantillonnage, c’est-à-dire examen] et marque de leurs potz, poidz et mesures » aux armes du marquis de Conros n’auront été faits et une juste taxe appliquée, faute de quoi les contrevenants seront soumis à une autre amende de 50 livres.
Afin que cette nouvelle ordonnance soit connue de tous, elle sera publiée « au prosne de chacunne esglize parrochelle dependante dudit marquizat », lieux certes habituels pour la diffusion des informations, mais qui ne semblent pas très fréquentés par les concernés. Elle sera également signifiée à chacun des hôtes et cabaretiers personnellement. Il n’est cependant pas fait mention d’un éventuel contrôle, et l’on peut s’interroger sur l’application que cette nouvelle ordonnance aura reçu cette fois-ci.

354 F 15


 

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