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Les paix d'Aurillac (sentence de 1305)

Géraud d'Aurillac fonde une abbaye à la fin du IXe siècle. Après sa mort en 909, les miracles se multiplient sur sa sépulture, et l'abbaye connaît un important essor. Du même coup, toute une population de marchands, de clercs, de bourgeois, de domestiques s'installe, dès la fin du premier millénaire, autour de l'abbaye. Un poème du XIIIe siècle parle du « peuple honoré et respectable » de la ville (« del onrat poble prezan d'Aorlac »). La ville, originellement un bourg monastique, a, dès la fin du XIIe siècle, une taille critique pour désirer s'administrer elle-même et gagner de l'autonomie vis-à-vis de l'abbé, seigneur de la ville. Les « consuls » apparaissent pour la première fois dans les textes en 1202. S'ensuivent des épisodes particulièrement violents, commençant en 1184 et culminant dans le sac de l'abbaye par les bourgeois en 1233. Ces acmés sont entrecoupés, en 1280, 1298 et 1347, de moments de stabilisation, connus sous le nom de « Paix d'Aurillac », magistralement étudiées par Roger Grand, ancien archiviste du Cantal, en 1945. En 1274, les consuls avaient juré de garder les bonnes coutumes, les franchises et les droits urbains de la ville ; Roger Grand souligne que, par cet acte solennel, la communauté de fait des habitants d'Aurillac devient une commune jurée. Mais les conflits ne cessent pas. La paix de 1280 stipule que les criées qui se feront dans la ville doivent l'être « de par l'abbé et le consul » (« de part l'abat e els cossols »). Conclues sous l'aile du pouvoir royal, ces paix aboutissent à l'organisation communale. Les habitants devaient, sous la double convocation de l'abbé et des consuls, un service militaire ; leur cri de guerre était « Aorlhac ! Aorlhac ! Per san Guiral e per l'abat ! » (Aurillac ! Aurillac ! Par saint Géraud et par l'abbé !).

L'acte ici exposé, rédigé en latin, date du 28 octobre 1305. Au dos, une analyse ancienne de l'acte, rédigée en langue d'oc, indique : « En aquesta letra se conte quasy moss. l'abat juret de tener la patz vieha e noella » (En cette lettre est exposé comment monseigneur l'abbé jure de tenir la paix ancienne et nouvelle). Il s'agit en effet d'une sentence arbitrale rendue par Étienne de Neyrestang, bailli des Montagnes d'Auvergne (qui rend donc la justice au nom du roi de France Philippe IV le Bel), sur le serment que l'abbé et les consuls se doivent réciproquement d'après la première paix (patz vieha) de 1280 et sur la nécessité de faire les démarches (en couvrant les frais afférents) pour aller demander au roi de France la confirmation de la deuxième paix (patz noella) de 1298.

La ville et le monastère envoient leurs syndics au roi, qui confirme la Paix de 1298 dès le mois de décembre 1305. Plus que l'histoire de l'émancipation des bourgeois à l'égard du pouvoir ecclésiastique, les Paix d'Aurillac sont un épisode de la prise de pouvoir, progressive mais efficace, du roi de France sur la ville. L'arbitre, tirant son épingle du jeu, impose progressivement sa justice aux consuls comme à l'abbé Dragonet (1302-1311). Il ne reste que deux des quatre sceaux originels : celui du bailliage des montagnes d'Auvergne (écu royal semé de lis) et celui de l'abbaye de Saint-Géraud (saint portant une palme et une épée).

                   

Ce document des archives municipales d'Aurillac est déposé, comme l'ensemble des archives de la ville des origines au milieu du XXe siècle, aux Archives départementales ; un dépôt complémentaire a d'ailleurs été effectué, en février 2011, par le service des archives municipales, dirigé par M. Alain Chabrat. À l'heure où celui-ci prend sa retraite, après avoir occupé ses fonctions avec ténacité et professionnalisme depuis plus de trente ans, la mise à l'honneur de ce beau document de 1305 manifeste la considération de ses collègues.

ADC, E DEP 1500/6

Ouvrage de référence : Roger Grand, Les Paix d'Aurillac : étude et documents sur l'histoire des institutions municipales d'une ville à consulat, XIIe-XVe siècle, Paris : Librairie du Recueil Sirey, 1945 ; ADC, 4 BIB 726.

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