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  Un abbé à la conquête du ciel: le "Vaisseau volant" (1784)

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Cette expression quelque peu énigmatique est le titre d’un imprimé présenté et annoté par le célèbre chroniqueur aurillacois, Jean-Baptiste Lakairie, dont nous commémorons cette année le deux-centième anniversaire de la mort. Né le 17 février 1765 à Aurillac, Jean-Baptiste Lakairie est tout d’abord musicien, suivant les traces de son père, Géraud Lakairie, choriste de l'église paroissiale Saint-Géraud d'Aurillac. Intellectuel très actif et engagé pendant la période révolutionnaire, il devient l’archiviste d’Aurillac et s’illustre alors grâce au matériau qu'il a réuni pour la publication de ses mémoires et des annales de la ville (1787-1818). L’ouvrage Mélanges. Aurillac. 1774-1792 dont est extrait cet imprimé est un parfait exemple de son travail de collecte.

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Derrière ce titre grandiloquent se cache un projet non moins ambitieux, celui de construire à Aurillac, dès 1784, le premier ballon dirigeable de l’Histoire. Ce prospectus, publié avec l’autorisation du lieutenant-général et de police, vise « à ouvrir une souscription pour un Vaisseau Volant, capable d’enlever deux personnes ». Les premières lignes font état du « succès des Expériences Aërostatiques qui furent faites à Aurillac le 12 mars de la présente année 1784 ». Le nom d'« aérostat » a été inventé par l'Académie des sciences en 1783 pour désigner ce nouveau type d’appareil dont le vol est assuré principalement par une force aérostatique, la poussée d'Archimède. C'est cette poussée découlant de la différence de masse volumique entre l'air chaud ou le gaz contenu dans l'aérostat et l'air extérieur, plus dense, qui permet à ces aérostats de voler. Pour se faire une idée de l’ambition de ce projet, il faut replacer ces expériences dans leur contexte. Nous sommes alors aux balbutiements de cette nouvelle technologie. Le premier vol officiel du ballon à air chaud des frères Montgolfier a eu lieu place des Cordeliers, à Annonay, le 4 juin 1783. Jean-François Pilâtre de Rozier et le Marquis d'Arlandes prennent part au premier vol libre humain le 21 novembre 1783.

Inspiré par ces premiers exploits, l’auteur de ce texte, l’abbé Louis Murat se lance à son tour à la conquête des airs. D’après Jean-Baptiste Lakairie « ce fut le jeudi gras, 19 février, que M. Murat, professeur de troisième au collège, fit l’expérience des globes aérostatiques à Aurillac[1] ». L’abbé Murat est né à Aurillac le 8 octobre 1750, fils d’un maréchal-ferrant. Amateur de sciences exactes, cet érudit eu l’idée de reproduire les expériences qui avaient marqué les esprits de ses contemporains. Sa première tentative du 19 février est un échec. Toutefois l’abbé Murat ne se décourage pas et, toujours selon Lakairie : « Enfin le 12 mars l’expérience réussit. Le petit ballon monta très haut et fut tomber près à Massigou. Le 2e qui avait 18 pieds de haut sur 32 de circonférence ne s’éleva pas si haut, parce qu’il y avait une ouverture qu’on n’avait pas apperçue. Ce fut sur le foirail que l’expérience eut lieu ».

Grisé par ce premier succès, l’abbé Murat ne se donne plus de limites et projette la création d’un « vaisseau volant » : « Il prévient le public que son dessein n’est pas de faire une simple répétition des expériences en grand, faites par Messieurs Pilatre du Rosier, le Marquis d’Arlandes, Charles et Robert, Montgolfier, Blanchard, etc. Il veut employer une méthode nouvelle pour diriger à volonté ces ingénieuses machines et pour les faire triompher des tous les obstacles qui en ont fait jusqu’à présent les jouets des vents ». Il ne s’agit plus d’élaborer un simple ballon mais bien de concevoir un véritable dirigeable. Dès les premiers ballons à gaz, l'idée de dirigeable fait son chemin. Il apparaît clairement, par nature même, que le défaut majeur de ces ballons réside dans leur incapacité à se diriger. Mais les contraintes techniques sont trop importantes en cette fin de XVIIIe siècle et ce n’est que le 24 septembre 1852 qu’a lieu le premier vol historique d’un ballon dirigeable entre l'hippodrome de Paris et Élancourt, soit environ 27 km. Il s’agit d’un appareil de 44 m de long en forme de cigare équipé d'un moteur à vapeur.

Cet appel à souscription est suivi d’un devis estimatif qui donne de nombreux détails quant à la conception de l’aérostat projeté : son diamètre, sa superficie, son volume, le poids qu’il pourra enlever, la quantité de toile et de vernis nécessaire à sa fabrication, le coût des coutures, de la galerie, des cordages… Il ne permet toutefois pas de comprendre comment l’abbé Murat prévoyait de pouvoir diriger son aérostat. Certes, le devis prévoit 300 livres « pour les machines et ressorts propres à diriger le ballon ». Mais il n’en dit pas plus sur la conception des machines en question et il est difficile d’imaginer ce que pouvait recouvrir ces termes de « machines et ressorts ». On peut tout de même remarquer que leur coût est relativement modeste en regard du coût total estimé.

Preuve toutefois du sérieux du projet, c’est le principal du collège, M. Piganiol, qui est chargé de recevoir les souscriptions. La somme totale prévue est de 2438 livres, une somme importante que l’on peut estimer à près de 40 000 euros actuels. Par une mention manuscrite au bas du prospectus, Lakairie nous apprend que « la souscription ne fut point remplie ». Certainement découragé par cet échec, l’abbé Murat ne renouvela pas sa tentative et le « vaisseau volant » aurillacois ne fut jamais construit. D’après Lakairie, il « s’était fait horloger et était chargé par le gouvernement des observations météorologiques à Aurillac », lorsqu’il mourut à Nevers le 19 brumaire an X, « d’un polype au nez, dont il allait se faire guérir à Paris[2] », emportant avec lui le secret de sa technique conçue pour « diriger à volonté » les aérostats.

[1] Jean-Baptiste Lakairie, Cahiers de notes historiques sur l’histoire d’Aurillac (cote ADC : E DEP 1500/414)

[2] Ibidem.

 

Cote ADC : D BIB 290, 29 Fi 359 (Foule admirant le ballon "Le Fétiche", le 14 juillet 1903, place Gerbert à Aurillac)

Sources :« Un ballon dirigeable à Aurillac en 1784 (lancé par l'abbé Murat, professeur au collège) » / Delmas, Jean (1868-1913), dans Revue de la Haute-Auvergne, 1910, pages 165-174.

Document rédigé par Nicolas LAPARRA                                                                                    

                                                                                                                                            
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